Guerriers d’Afrique noire

Par Kofaziz

Je suis le plus grand, le plus beau, le plus puissant et le plus cruel guerrier qu'aucun royaume d’Afrique noire n'a jamais connu. Je m'appelle Kofaziz et je protège le royaume de Koffazy.

Je suis un géant et je dépasse mes hommes d'au moins deux têtes. Ma bouche est aussi proéminente que mon nez est épaté. Je ne me rase jamais. Bien que je fume la pipe, mes dents sont très blanches. Mon crâne est rasé, mes épaules sont larges et mon corps rompu aux durs combats. Mon torse, que vénèrent les femmes, est poilu et toujours nu. Mes jambes sont robustes et ma course est aussi rapide que celle du lion.

C’est un vieux guerrier venu d’un royaume ennemi qui m’a élevé. Il avait, en envahissant notre village, tué mon père et ma mère. J’avais sept ans. J'ignore s’il a eu pitié de moi, mais je le remercie de m’avoir sauvé la vie.



Cet homme m’a appris très tôt à chasser avec des piques et des lance-pierres. À quinze ans, je savais correctement monter à cheval et manier habilement l’épée.

Le jour où le vieux guerrier me demande de l’accompagner avec sa centaine d’hommes à la bataille, je suis fier de chevaucher à ses côtés. Les hommes nous suivent à cheval et à pied. Après plusieurs jours dans la forêt, nous apercevons le village de Mivakpoè. Nous l'attaquons dans la nuit. À notre grande surprise, nous sommes attendus par des hommes armés. Un traître a mis le village au courant. Les combats sont violents. Sous le coup des épées, le sang gicle et nombreux sont ceux qui tombent à terre.

Plus nombreux que nous, nos ennemis nous encerclent. Le conflit s’éternise. Je manque d’endurance et de rapidité dans les coups. Le vieux guerrier s’en aperçoit. Il couvre mes erreurs et tue ceux qui m’approchent par l’arrière. J’ignore à ce moment-là qu’il risque sa vie pour moi. Le vieux guerrier m’épargne un coup mortel. Je me retourne vers lui. Il grimace de douleur. Une flèche vient de l’atteindre. J'appelle à l'aide.



Des hommes accourent et occupent l'ennemi pendant que je le charge sur mon cheval et l’emmène à l’écart dans la forêt. Parvenus dans une clairière, je remarque que sa blessure est profonde et qu’il faiblit à vue d’œil. Je le couche dans l’herbe pour soulager sa fin. Alors que je pleure à la vue de mon grand guerrier mourant, il me demande de lui faire une ultime promesse.

Je ramène sa dépouille à cheval afin de la remettre au roi. Les jours suivants, notre village attend le retour des autres guerriers restés sur place. En vain. Une lune plus tard, le royaume de Mivakpoè nous envahit. C'est la débandade.

Je me réfugie à temps dans la forêt profonde où je construis une case de paille et d'argile. Pendant cinq saisons, je vis de chasse, de pêche et de cueillette, le temps d'être assez fort pour réaliser la dernière volonté de mon grand guerrier : faire de notre village, le royaume le plus puissant et le plus vaste de l’Afrique noire. Afin de le reprendre, je dois d'abord créer un royaume avec lequel attaquer Mivakpoè. Pour cela, il me faut rassembler des hommes et des



armes. Le forgeron de notre royaume ayant réussi à fuir dans la débâcle, je pars à sa recherche.

J'explore les villages environnants. Cela ne donne rien. Aux confins de la forêt, je tombe par hasard sur un abri de fortune. Je mets pied à terre et approche avec prudence. C'est alors que je reconnais le forgeron et son fils aîné. Après la joie des retrouvailles, je leur parle de ma promesse. Ils acceptent de m'aider. Les jours suivants, nous récupérons des épées, des lances et des boucliers hors d’usage dans des villages dévastés et inhabités.

Pendant que le forgeron et son fils les restaurent, je pars libérer nos guerriers devenus les esclaves du royaume de Mivakpoe. Je pénètre clandestinement dans le village royal. Les gardes sont assoupis devant une grande case de bambou et de terre. Sans bruit, je retire les chaînes de la porte. Ils se précipitent dehors. Je finis par les rattraper à cheval dans la brousse. Tous acceptent de me suivre.

Après une journée de marche dans la forêt, nous rejoignons le forgeron et son



fils. Nous sommes désormais une cinquantaine. Il n’y a pas de temps à perdre. Nous commençons l'entraînement. Les hommes reprennent vite des forces. Leur potentiel physique retrouvé, nous décidons, un soir autour du feu, de passer à l'offensive.

Le premier village à tomber se situe non loin de Mivakpoè. Les guerriers vaincus rejoignent notre camp en échange de leur vie. Nous sommes maintenant plus de cent. Au cours de la lune suivante, nous prenons deux autres villages. Forts de deux cent cinquante hommes, nous sommes enfin en mesure d’attaquer Mivakpoè. Bien que moins nombreux que nos ennemis, nous sommes habiles et l’esprit de vengeance nous anime.

Nous passons les portes du royaume. Cette fois, la troupe est bien organisée. Pendant que nous combattons, les femmes et les enfants des villages vaincus, protégés par quelques d'hommes, s’occupent de l'eau et de la nourriture. Nous avançons groupés. Nos ennemis sont rusés comme des renards. Nous gagnons lentement du terrain. Après une lune de sacrifice, nous emportons la



victoire, mais il y a de grosses pertes : sur deux cent cinquante guerriers, seule une centaine a survécu.

Mivakpoe vaincu, nous héritons de tout le royaume. Parmi les villages gagnés se trouve le nôtre. Avec le forgeron, nous partons aussitôt à la rencontre de nos frères perdus de vue. Ils nous apprennent que nos ennemis ont spolié les tombes des familles. Celle du vieux guerrier n’a pas été épargnée. Cela me brise le cœur, mais je ne peux pas m’en occuper de suite. Je dois d’abord honorer ma promesse : créer en sa mémoire le royaume le plus vaste et le plus puissant de l’Afrique noire.

J’emprisonne tous ceux qui refusent de reconnaître mon autorité. Je désigne le vieux forgeron Roi et proclame le royaume Koffazy créé. Un prêtre des cultes est chargé de la protection du trône. Des règles de bonne conduite sont établies afin que tous les habitants, dont ceux des villages affranchis, puissent jouir de la même liberté. Grâce au travail de la population et des esclaves, Koffazy prospère rapidement.



Je me réjouis des progrès, mais j’ai l’impression de ne pas avoir totalement accompli ma promesse. Avec les guerriers entre-temps devenus paysans, nous décidons d’étendre plus loin le royaume de Koffazy. La conquête de nouvelles terres reprend pendant plusieurs saisons. Nous ne connaissons aucune défaite.

Je deviens le grand guerrier du royaume comme mon vieux guerrier de son vivant. Ma renommée se propage au son des pierres parlantes et des tam-tams. Lorsque des royaumes inconnus viennent demander la protection de Koffazy, le roi me félicite pour la paix retrouvée. Après tant de combats, je suis heureux d’avoir réussi. Un bon guerrier doit savoir se battre pour la liberté des autres.

Le roi propose de rendre hommage à mon vieux guerrier. En sa mémoire, les armes des anciennes batailles sont rassemblées et déposées devant le palais pour qu’elles ne servent plus à se battre. Puis le prêtre des cultes me remet l’épée du vieux guerrier. Je jure alors devant les habitants et devant le roi de



continuer à défendre Koffazy jusqu’à mon dernier souffle.

golfe de guinée